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arts martiaux - Page 2

  • Ciné d'Asie : Succession par l'épée (1992)

    Un film de Eric Tsang

    4798642120_dd810e9ef7_m.jpgProduction Tsui Hark lorgnant vers les racées Histoires de fantômes chinois, Handsome Siblings est l’occasion de revoir la belle Brigitte Lin Chin Hsia (Zu, les guerriers de la montagne magique, Tsui Hark, 1984, Les cendres du Temps, Wong Kar Wai, 1994), Même si l’on convient qu’elle est moins bien mise en valeur que pour Swordsman 2, réalisé la même année par Ching Siu-Tung. Suivant un sillon identique, héroïque et fantaisiste, peuplé de démons et de dieux à forme humaine qui veillent sur les humains, le film est d’une beauté typique de cette Fantasy chinoise. Vols en apesanteurs, boules d’énergies, rubans colorés flottant au vent lorsque apparaissent les dieux et démons sur Terre (magnifique première séquence dans un forêt ténébreuse, qui pompe cependant terriblement sur les Histoires de fantômes chinois, toujours elles).

    Un grand guerrier meurt au combat pour protéger une bande de voleurs, des vrais bras cassés, qui recueillent un enfant. Ce dernier deviendra un combattant hors pair et va participer à un grand tournoi qui a lieu tous les 18 ans. En chemin, il fait la connaissance d’une femme travestie en homme (grand classique HK, remember le conte des amants papillons, maintes fois adapté) ; une romance compliquée commence… Le clan des voleurs offre plusieurs moments de comédie très typée difficilement supportable, humour débile à la clé. C’est le jeune Andy Lau (l’un des deux infiltrés de Infernal Affairs) qui se lie avec Brigitte Lin. La magie imprégnant tout le métrage, elle se loge aux quatre coins du cadre ; personnages pliés en quatre, apparitions fantomatiques, une débauche d’effets qui distrait un temps, mais déçoit rapidement après la première scène d’anthologie dans la forêt. Les twists sont éculés, et l’humour totalement lourd nuit à la gravité et au romantisme échevelé de l’amour naissant entre les deux jeunes gens. C’est pourtant dans ce mélange qui nous est si peu familier que se forme les films HK, s’efforçant de concilier différentes sensibilités dans le résultat final. Un petit film bancal, qui bénéficie tout de même du soin des production de la Film Workshop de Tsui Hark.

    Source image : jaquette DVD © Metropolitan Video

  • Ciné d'Asie : Le sabreur solitaire (1969)

    Un film de Chang Cheh

    4747694939_1db9c96eb0_m.jpgHave sword, will travel (Bao Biao dans son idiome d’origine) marque la première collaboration de Ti Lung et David Chiang chez Chang Cheh. Ils incarnent deux épéistes émérites qui, au fil de leur rencontres, s’évertuent à se tester pour connaître leur limites respectives, et pour savoir qui de l’un ou de l’autre a l’ascendant. Il apparaît très rapidement que David Chiang, le sabreur solitaire du titre, est très supérieur à Ti Lung dans le maniement des armes ; dans la réalité, ce serait plutôt l’inverse, les deux combattants ayant chacun de réelles aptitudes au combat. La rivalité martiale cache en fait un affrontement sur le terrain sentimental, Li Ching, la promise de Ti Lung, trouvant très à son goût le vagabond qu’est David Chiang ; ce qui semble réciproque. Semble, car ce dernier, chevalier errant mutique (le titre anglais traduit les intentions de Chiang : un professionnel itinérant transportant ces propres outils et offrant ses services) est guidé par sa seule honnêteté qui s’adjoint mal d’être aidé par qui que se soit. Refusant systématiquement toute assistance, il n’a pour lui que sa pauvreté (à part son cheval, qu’il vendra pour se nourrir, et son épée, son "outil de travail"). Le triangle amoureux ainsi formé se reconstituera quelques années plus tard pour le baroque La rage du tigre (The New One-Armed Swordsman, Chang Cheh, 1971), avance lentement mais sûrement, les deux hommes étant en posture antagoniste. Si la femme est au centre du triangle, ce ne sera plus le cas dans La rage du tigre, où David Chiang occupe cette place.

    Déambulant dans la campagne chinoise, approchant par nécessité deux camps opposés, la démarche du sabreur solitaire épouse celle de l’homme sans nom dans Pour une poignée de dollars (Sergio Leone, 1964), même s’il n’est pas guidé par l’appât du gain. Cette attitude, ainsi que la nature même du personnage est directement influencé par les westerns italiens de Leone, Le sabreur solitaire en proposant sa propre lecture. Sa réserve et son talent martial, jaillissant en un éclair, ne peut que mettre tout le monde d’accord (les personnages comme le spectateur). Doté d’une gestuelle fine, coulée, mais sans arabesques inutiles, David Chiang esquisse un personnage fort, bluffant mais pas flamboyant : rentré, tout en intériorité, le visage souvent crispé voire neutre, il serait presque désincarné sans la tendresse qu’il prodigue à son cheval, un excellent animal qui dénote avec son rang social tout en révélant son véritable potentiel, une position sociale fantôme qui transparaît lorsqu’il combat. Ainsi, le chef du clan des bad guys (l’éternel Ku Feng) lui fera remarquer qu’il ne comprend pas sa situation de pauvre hère, lui qui est si doué et pourrait en tirer autrement plus de profit. Son honnêteté, qui justifie cet écart, en fait un personnage incorruptible, mais désigne bien dans le sous-texte que seuls les voleurs et les brutes font du profit et deviennent importants. Facile, mais bien amené par l’interprétation de David Chiang, excellente.

    Les affrontements, nombreux, sont filmés énergiquement, flots d’hémoglobine généreux compris. On retiendra surtout la bataille finale, dans une tour à sept étages, chaque niveau dissimulant une horde de guerriers aux armes variées ; le principe sera repris dans l’inachevé Le jeu de la mort (Robert Clouse, 1978), le dernier film de Bruce Lee.

    Film séminal de Chang Cheh, Le sabreur solitaire contient en germes tout un pan de la carrière prolifique du réalisateur (allant jusqu’à tourner 9 films par an !). Une découverte qui s’imposait.

  • Ciné d'Asie : Vengeance (1970)

    Un film de Chang Cheh

    4699903745_a93d1a8277_m.jpgPrécédant de deux années Le justicier de Shanghai, Vengeance met en avant un David Chiang transpirant le charisme par tous ses pores. A-t-on jamais vu, dans le cinéma de Hong-Kong, pareille classe s’imposer à l’écran ? Le cinéaste, très inspiré par les figures hollywoodiennes torturées et charismatiques en diable de James Dean et Marlon Brando, façonne le personnage de Hsia Lo Kuan de la même façon. Il sourit rarement, offrant un visage mutique, hantant les lieux pour mener une vendetta sans merci contre les meurtriers de son frère. Méthodique, froid, il va œuvrer pour la perte de ces assassins.

    Un opéra sert de lien entre les deux personnages de Ti Lung (le frère assassiné) et David Chiang : ils sont acteurs et jouent dans les mêmes spectacles, le film étant ponctué de scènes sublimes tournées au ralenti, dont les plans fixes clashent avec les mouvements heurtés des combats auquel se livre David Chiang, véritable ange vengeur. Le théâtre donne une tonalité dramatique qui ne s’éloigne pas tant que cela des tragédies grecques. Les affaires qui se jouent ont tout de l’intrigue politique et des jeux d’influence, qui voueront tout ce petit monde à la mort. Auparavant metteur en scène de théâtre, Chang Cheh s’est servi ici de son bagage technique et nous offre un de ses films les plus personnels.

    Ti Lung et David Chiang constituent le duo qui prévaut souvent dans les films de Chang Cheh (La Rage du Tigre, 1971, Le sabreur solitaire, 1969) : deux figures photogéniques, qui promeuvent l’idéal d’une amitié entre hommes où la femme n’a pas sa place. L’attention du réalisateur, tout entière dévoué au personnage sombre de David Chiang, traite le personnage comme une figure démiurgique qui prend la place de la justice. Les habits de Chiang le placent déjà bien au-dessus des autres, toujours sans une tâche, de plus toujours coiffé au millimètre ; il inspire le respect.

    Se déroulant dans les années 20, le film offre un tableau d’une rare violence (le meurtre de Ti Lung, cruel au possible, le spectateur étant pris comme le personnage d’un tangible sentiment d’incompréhension, de rare et d’injustice), qui s’oppose avec la beauté des cadres et des personnages. Bâti sur une succession d’oppositions, rythmiques, sonores et d’état (stabilité versus mouvement, bruit versus silence, beauté versus horreur), le film vise une dramatisation des événements à l’extrême, attisant constamment l'attention du spectateur. Les débordements gore, nombreux et marquants, font des personnages des suppliciés victimes d'une brutalité que tout condamne. La portée de l'acte de justice de David Chiang n'en a que plus de poids.

    Le retour constant aux scènes d’opéra offre une lecture parallèle des actions, celles répétées de l’opéra se reproduisant avec un mimétisme troublant dans la réalité du film. Mise en abîme du métier d’acteur, les personnages ont maintes fois joué leur mort pour n’être finalement plus tout à fait vivant. Et, quand leur mort "réelle" survient, elle paraît d’ailleurs moins les affecter que leur mort jouée ; en témoigne l’ultime sursaut de David Chiang pour porter un coup fatal au dernier instigateur du complot encore en vie. Véritable réflexion sur les modes de représentation du réel, Vengeance donne à voir un spectacle profond et tragique, digne héritier des tragédies grecques.

    Lectures connexes :
    Un seul bras les tua tous
    Le bras de la vengeance

  • Ciné d'Asie : Le justicier de Shanghai (1972)

    Un film de Chang Cheh & Pao Hsueh-Li

    4638970716_edf3358baa_m.jpgPremière apparition marquante de Chen Kuan Tai (qu'on avait apprécié dans le bon Combat de maîtres), c’est également le rôle principal qu’il porte, celui de Ma Yun-Chen, avec une présence incontestable de tous les instants.

    Le film n’est pas, à proprement parler, à ranger dans le cinéma d’arts martiaux (kung-fu et film de sabre), mais plutôt dans la lignée des films de gangsters, le personnage principal s’offrant une ascension fulgurante dans les milieux de la pègre chinoise. La musique s’oriente aussi vers des terrains moins connus pour la Shaw, moins exotiques et plus contemporains, plus mélodiques et graves (mélodie à la flûte qui offre une certaine parenté avec les Parrains). Chang Cheh, accompagné pour l’occasion à la réalisation de Pao Hsueh-Li, porteur du projet ayant entraîné Chen Kuan Tai pour le rôle, signe un film à l’ampleur rarement égalée dans toutes les productions de la firme de Hong-Kong (avec Les 14 amazones). Sur 2h05, on suit l’histoire d’un gars de la rue, qui n’a que ces poings et une ambition dévorante pour devenir enfin quelqu’un. Il prend pour modèle un chef de la pègre locale, Tan Si (David Chiang, impérial). Ma Yun-Chen incarne donc plutôt un anti-héros, tant ses aspirations vont en contradiction avec l’honnêteté et la droiture dont sont souvent drapés les personnages principaux. Ces caractéristiques classiques vont ici être l’apanage du compagnon de Ma, qui, s’il commence le film en prêtant de l’argent à Ma, finira par être son cocher : les honnêtes gens n’ont qu’une place congrue dans l’univers des mafieux.

    Le justicier de Shanghai, alias The Boxer From Shantung (alias aussi Le bonze, la brute et le méchant pour sa sortie ciné en France !), est filmé avec une vraie envie de montrer de beaux plans, qu’ils soient fixes (les intérieurs colorés, les champs / contrechamps cadrés au plus près des acteurs) ou en mouvements (les quelques combats, où se déchaînent une violence très graphique). Certains enchaînements paraissent cependant étranges, comme coupés, la caméra finissant le plans au beau milieu d'un mouvement. Tourné en 1972, il illustre la bataille que se livrait fin 60’s - début 70’s la Shaw Brothers et la Golden Harvest, montée par le dissident Raymond Chow. A l’époque, il triomphe avec les films de Bruce Lee, acteur dépité par Run Run Shaw venu se réfugier chez son adversaire, lui offrant des conditions (dont des prestations salariales) bien plus avantageuses. D'où le look et le style de combat de Chen Kuan Tai, tout en poings.

    Le justicier de Shanghai va donc s’égrener sur un canevas type du film de Mafia (ascension / chute / rédemption), les fusillades ou bastonnades de films ricains étant ici remplacés par des combats kung-fu. Combats sanglants selon la philosophie de Chang Cheh, orchestrant un combat final tout simplement titanesque et excessif, noyé sous des torrents d’hémoglobine, dans le style de l’hallucinant final de La rage du Tigre (1971). La mise en forme a sûrement influencé John Woo, assistant réalisateur sur le film ; on note notamment de beaux ralentis lors des combats. Notons que les 4 As, ou le gang des haches, a inspiré Stephen Chow pour la partie gangster du très  fun Crazy Kung-Fu. N’oublions pas non plus que, la même année, sort le premier Parrain. S’il est difficile d’établir un rapport de cause à effet entre ces deux films, il est néanmoins évident que ce type de récits était dans l’air, et que l’ascension nombriliste d’un ambitieux traduisait celles dont on entendait parler dans la vie de tous les jours, symbole de la réussite (américaine) pour le monde entier. Le film en profite pour fustiger ces pratiques, le personnage de Ma, apparemment adulé et entouré, n’en étant que plus isolé (ses seules amies sont les prostituées qu’il paye et la bande qu’il fait vivre ; sa seule amitié réelle restera celle de son éternel ami). Il perdra de façon tout aussi irrémédiable l’amour de la seule  fille qui retient son attention. Son indéfectible attachement à Tan Si pourrait cependant faire douter le spectateur sur ses préférences...

    Chang Cheh fait une fois de plus la part belle aux amitiés viriles, avec une belle fidélité entre les deux personnages masculins principaux. Les femmes n'ont droit qu'à un espace tout à fait réduit ; toutes les filles du fim sont d'ailleurs des prostituées, ce qui en dit long sur la philosophie de Chang Cheh...

    Film magistral, Le justicier de Shanghai offre un échantillon de haute volée de la versatilité de la Shaw Brothers. Un des tous meilleurs films de la Shaw Brothers.

  • Baby Cart diffusé en télé : le loup à l’enfant chasse sur Arte

    4434931086_ef2f46fcfd_m.jpgLa case Trash reprend du service dans la grille de programmation d’Arte, et ça envoie du lourd pour commencer : vendredi 12 mars dernier vers minuit, le premier épisode de la saga barbare et sanguinaire Baby Cart a été diffusé, suivi les semaines prochaines de l’intégrale des épisodes (six au total).

    Adapté du manga Lone Wolf and Cub, de Kazuo Koike, qui scénarise d’ailleurs les cinq premiers films, les épisodes nous montre Ogami Itto, l’exécuteur du Shogun, évincé par un sombre complot. Au lieu de se suicider, comme le voudrait le code de conduite des samouraïs, il s’enfuit en emmenant son fils avec lui.Il est désormais ronin, un samouraï sans maître, et offre ses services de tueur, tout au long de sa route, dans les villages qu’il traverse. Cette expédition étrange, s’abîmant dans des abysses de cruauté, n’en est pas moins très graphique, conservant l’impact des mangas. Kenji Misumi, artisan principal de la saga (quatre films réalisés sur les six), est un conteur visuel, maître dans la composition de tableaux vivants. De même, cette route sinueuse que prend Ogami Itto dans le Japon médiéval, représente son chemin mental pour redonner du sens à sa vie, perdu par son éviction. Il continue donc à tuer, n’ayant jamais fait que ça, avec néanmoins une justice personnelle et évolutive. La présence de l’enfant n’est pas pour rien dans la bizarrerie des films, spectateur insensible des tueries, ou participant dans le cadre de ses moyens. Au fil des épisodes, les nombreux opposants rivalisent d’ingéniosité pour prendre le samouraï en traître, spectacle aussi gore que jouissif dans la résolution fatale mais astucieuse. Presque invincible, la fin de Baby Cart s’orientera de plus en plus vers un James Bond gadgetisant (numéro trois, Dans la terre de l’ombre), ou des influences westerniennes (numéro six, Le paradis blanc de l’enfer).

    Saga vengeresse à contempler sur Arte, froide de préférence, évidemment.